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Epilogue

C'est au retour que nous prenons conscience de ce qui a changé en nous, dans notre relation avec les gens. Au Maroc, j'ai envie d'aller voir les personnes noires que je peux croiser à Casablanca (très peu à Safi)! Je me surprends aussi à prendre le temps de saluer les gens sans trop penser à tout ce que j'ai à faire.


Aventure décapante, nous vivions dans un autre monde. Un monde sans eau courante, sans réseau électrique, où l'internet peut se couper pendant plus de 24h, nous avons pu nous sentir démunis. Nous avons appris à économiser l'eau, surtout l'eau potable. En France, nous faisons nos besoins dans de l'eau traitée !! Nous avons appris la valeur de l'électricité en saison des pluies, choisissant nos activités en fonction de la charge des batteries.

Les Kissi sont une société où les relations sont souvent plus importantes que le "faire", belle leçon de vie. Prendre le temps de la rencontre avant de voir ce que la personne fait, ou n'a pas fait... Ce n'était pas ma priorité avant.


Au centre de santé, je suis arrivée avec le statut de "medical director". Mais dans leur réalité, je ne suis "que pédiatre » : je ne sais pas faire de chirurgie, ne suis pas à l'aise avec les personnes âgées et ne sais pas bien poser de voie avec la peau noire. "Mais alors, tu fais quoi ?" ... Je ne connaissais pas les codes de l'autorité, j'avais tendance à faire des choses qu'un "docteur" ne fais pas. Ensuite, j'ai eu du mal à gagner la confiance de l'équipe soignante et à les motiver pour mettre à jour des protocoles de soins médicaux. A la longue, j'ai été de plus en plus agacée et des tensions sont apparues. Puis j'ai perdu le soutien de l'administratrice Nancy, et les leaders dans sa suite.

Quand même, trois des infirmiers se sont montrés plus ouverts, et des pratiques ont pu changer. L'une d'entre eux a même accepté de s'occuper plus particulièrement du programme des enfants malnutri après mon départ.

Heureusement les patients m'ont donné beaucoup de reconnaissance, me remerciant avec des cadeaux (même un coq vivant !). J'ai trouvé la motivation pour continuer à les aider, les accompagner. Et le besoin médical d'amélioration est réel et nécessaire !

Cette mission correspondait à ce que j'avais envie de vivre, partager avec ces personnes des joies, des peines, vivre un moment ensemble, trouver notre humanité commune.


Au centre de santé, coté travaux. Ma mission était de définir les agrandissements nécessaires pour le centre de santé et de commencer les travaux. J'ai passé beaucoup de temps au démarrage pour borner le terrain et faire valider les plans. Ce temps m'a permis de comprendre l'organisation de la société ; un mélange de chef coutumier et d'autorité élue.

A partir de février je me suis attelé à la première phase de travaux : la construction d'une maison d'attente pour les femmes enceintes, une morgue et la sécurisation du site (clôture et poste de sécurité). Les matériaux sont difficiles à trouver et tout se fait à la main, j'ai dû m'adapter aux moyens locaux et essayer d'avoir un bon niveau de qualité.

Dans les belles choses que j'ai vécues : Foya est proche de la forêt, ils ont du bois magnifique, je me suis bien entendu avec Jérôme le charpentier.

Les villages et les communautés se sont mobilisés pour venir aider. Les Kissi veulent vraiment avoir un centre de santé meilleur !


Coté famille, nous avons été surpris des difficultés d'intégration de nos enfants sur le long terme. Ils étaient préparés à la violence éducative ordinaire encore très présente dans la population et autour de nous En cours d'année nous avons vu que nos enfants vivaient des choses trop durs et nous avons pris la difficile décision d'arrêter l'école locale. Seul Jules, 7 ans a souhaité poursuivre : son professeur est différent des autres, plus pédagogue. Et il était entouré par des copains. Nous avons été bien soutenus par une psychologue bénévole de la DCC, qui a suivi notre ainée quelques séances. Mais ils ont tous bien progressé en anglais.

Ils ont quand même eu de beaux échanges lors des réunions de catéchisme et de sorte de patronage de la paroisse, les "CCO" (Catholic Child Organisation). Thaïs a même préparé sa première communion, célébrée le jour de Pacques.

L'adoption d'un chaton a bien aidé aussi à traverser les difficultés !


Les liens familiaux se sont resserrés, les enfants me semblent plus soudés entre eux. Ils ont bien grandi et muri. Nous avons passé plus de temps ensembles, avec le CNED 2h/jour et par enfant environ et les temps de jeux de société. Sans oublier les balades, activité du WE pour découvrir les multiples villages aux alentours.


Au niveau spirituel, dans ce milieu très agricole dont dépend leur survie, les paraboles autour des semences ont pris un nouveau sens. Les kissi n'ont pas peur de prendre la parole en public, lors des sermons ils ont dit des paroles très belles qui m'ont touchée. Nous prions le même Dieu et les mêmes textes malgré toutes nos différences.

Par l'activité paysanne le peuple kissi est proche de la création et du créateur. Ils prient et louent dieu en toutes circonstances, même au travail ce qui est perturbant pour nous avons grandi dans la laïcité !



Maxine, 11 ans 1/2 : "Lors de cette année, il y a eu des moments heureux et d'autres très difficiles. Mais en tout cas, je suis sortie grandie. J'ai découvert une nouvelle culture et une autre façon de vivre."


Thaïs, 9 ans : "J'ai bien aimé être au chaud dans mon lit quand il y a avait d’énormes orages dehors avec plein d'éclairs. En mars, on a adopté un chaton, il était trop mignon !"


Jules, 7 ans : "Je suis le seul à être resté à l'école jusqu'à la fin de l'année, avec mon copain Prince et ma copine Princess, j'en suis fier. Maintenant, je sais parler anglais."


Malo, 5 ans "Je pouvais manger des bananes tous les jours ! J'ai adoré aller dans le 4x4 et rouler dans les grosses flaques de boue".