A Labé, nous sommes accueilli par le frère de notre voisine en France. Il nous donne RDV en face d'un hotel, et vient nous chercher avec une ancienne mercedes. La maison est magnifique, sur un grand terrain, un étage, une annexe. Nous ne nous attendions pas à un tel niveau social, notre voisine était aide-soignante de nuit en france, et élevait 5 enfants. En arrivant, nous avons du mal à repérer toute les personnes présentes, et surtout où ils dorment! Nous avons 2 immenses chambres pour nous, avec salles de bain, eau courrante et éléctricité 24h/24. L'eau chaude est au rez de chaussée. La cuisine contraste avec ce fast: dehors se tient un petit batiment avec une table et un "rice cooker". La cuisson se fait au feu de bois, et la cuisine, lessive, vaisselle se font dehors, sur une grande dalle carrelée. Leurs repas sont souvent pris dehors aussi, chacun de son coté, sur des tabourets bas. Mais pour nous, on dresse la table avec nappe, assiettes et couverts dans la salle à manger! Nous ne prendrons pas de repas vraiment avec eux, ils mangent plus tard le soir, et ne semblent pas intéressés pour diner avec nous. Pourtant, elle avait cuisiné des spaghetti bolognaise exprès pour nous, mais à 21h nous avions déjà mangé. Petit quiproquo culturel, pourvu que nous ne l'ayons pas vexé.
Nous avons essayé de leur acheter des fruits (pastèque, ananas, pommes, bananes: chers ici), mais il n'y a que les enfants qui y ont touché. même le Lemon curd cuisiné par Bruno avec des sablés n'a pas eu de succès!
nos hôtes
Mais nous avons de belles discussions avec ses frères, qui ont vécu en Italie et/ou en France. J'ai compris que les parents ont mis la pression sur leurs fils pour qu'ils rentrent en Guinée s'occuper de leur parents vieillissant. Une sœur vit en Allemagne, le frère ainé de la famille vit au Etats-Unis.
la cuisine est beaucoup plus typique et sobre!
Nous découvrons la famille et son histoire:
- le père de notre voisine était colonel dans l'armée. A l'indépendance, on lui a proposé de rester en France, mais il a choisi la Guinée. Elle avait "besoin de lui". Il a alors créé une école privée, l'une des premières à l'époque, qui a toujours beaucoup de succès. Une deuxième est crée ensuite, gérée par l'une des sœurs de notre voisine, avec plus de 700 élèves! Les résultats au bac semblent excellents. Les élèves travaillent beaucoup, avec révisions les dimanches toute l'année de terminale! D'autant que la classe est tous les jours, du lundi au samedi inclus de 8h à 16h30. Avec des cours du soir pour certains encore.
- Sa mère s'est mariée à 13 ans, avec un homme de 11 ans son ainé. Je n'avais pas compris qu'il s'agissait d'une photo de mariage dans le salon... Elle a eu son premier fils à 14 ans, puis 6 autres enfants. L'un est décédé récemment brutalement d'une crise cardiaque à priori. Elle parle un peu le français, et semble assez autoritaire. Elle s'est prise d'affection pour Maxine, si serviable!
petit déjeuner avec confiture ET nutella!!
Une autre personne de la famille est médecin, la famille semble grande et nous sommes un peu perdu. D'autant que les hommes ont plusieurs femmes, et que les fils d'un même homme sont "frères" même si les mères sont différentes. Les femmes sont toutes "tantes"... et on en parle que très peu. Au quotidien, ce sont les femmes qui font la cuisine, les lessives, la vaisselle, les courses et le ménage. Les hommes partent, reviennent et regarde le foot à la télévision sur Canal+ sur l'écran géant du salon.
Dès qu'un enfant travaille bien à l'école et a les moyens, il part finir ses études à l'Etranger. Ces hommes sont assez optimistes sur le potentiel de développement de l'Afrique, surtout pour gagner de l'argent. Ils ont pris du recul vis à vis de la religion des parents, et sont un peu critiques. L'un a 3 femmes: en France, Italie et Guinée, et 6 enfants... J'ai l'impression qu'ils sont un peu entre les 2 cultures: guinéenne et occidentale?
La femme et les 3 enfants de l'un des frères habitent avec la grand mère. Les enfants sont devant les chaines de dessins animés dès le matin, avec les publicités françaises en cette période d'avant Noel. Nous nous sentons alors totalement le décalage. Ils mangent ce qu'ils veulent, quand ils veulent: frites, pain au Nutella, lait concentré sucré, etc. Les 3 soirs où nous avons été présents, ils s'endorment devant la télévision vers 22h. Quand le plus jeune a tenté de grimper l'échelle du château d'eau, la maman l'a frappé avec une sorte de câble souple, il s'est mis à hurler. La fillette de 8 ans a fait ses devoirs vers 20h30 le dimanche soir dans la cuisine avec sa mère. Contraste saisissant avec l'exigence scolaire! J'ai eu l'impression que la grand mère a afit une remarque à son fils sur l'éducation des enfants, alors qu'il allait jeter le lait au chocolat que la grand mère avait préparé.
Une autre jeune fille de 13 ans semble habiter là aussi. Je comprendrais qu'elle est "de la famille", mais ses 2 parents sont à Conakry, elle est ici pour "étudier". En effet, elle part le matin en uniforme avec les autres enfants à l'école. Mais elle est la seule enfant à laver le sol le soir, faire la vaisselle et laver les chaussures le dimanche!
Nous avons pu visiter l'écomusée peul, musée "du Fouta".
Très artisanal, il a pris un peu la poussière. C'est samedi, le grand père, fondateur du lieu nous explique les traditions ethniques. Notamment que la demande en mariage se fait par une offrande du jeune homme. Il s'agit de noix de Cola joliment emballées dans une corde bien serrée tressée en forme de sac. La corde symbolise le lien du mariage comme la corde de la vache de cette ethnie d'éleveurs... Les habitations traditionnelles sont rondes, avec fabrication de lait caillé et de "fromage". Tout est rudimentaire car ils sont nomades avec leurs troupeaux. Leur tissu est un indigo avec traces blanches lors de la teinture. Très sombre pour moi, et ça déteint toujours un peu encore. L'artisanat typique est la vannerie, par les femmes, surtout des sortes de couvercles pour les calebasses (que nous avons achetée pour dessous de plat!).
intérieur de case traditionnelle Peule, avec les calebasses suspendues pour le laitCette région de Guinée, le Fouta Djalon est une ancienne théocratie musulmane indépendante. Elle était riche et agricole, avec l'ethnie peule notamment, éleveurs nomades. La place de la femme est historiquement inférieur. Par exemple, lors de l'héritage, les fils se partagent les 2/3 des biens, et les filles ce qui reste. Voir moins si elles son peu nombreuses,
Dimanche, l'un des fils nous a invité dans la maison familiale "au village", à 15km environ de chez eux, dans la "brousse". C'est alors que nous comprenons que le grand père était surtout un chef traditionnel avant la colonisation. Il avait une case très grande pour les réunions publiques, les fêtes et s'occuper de la gestion des conflits. Juste derrière la Mosquée. Tout autour de son terrain, s'élèvent toutes les cases de ses femmes... il aurait eu 47 enfants! Notre "guide" a utilisé le mot "esclavage" en parlant de ses femmes. Même si lui même a installé l'une de ses femmes dans cette même maison familiale! On nous sert un riz sauce poisson et légumes, délicieux. Nous mangeons sans sa femme, qui nous sert. Nous avions apporté un ananas et des pommes (fruit de luxe) mais il n'y a que les enfants qui y ont touché.
Nous partons ensuite saluer tous les anciens de la famille, tous dans le village encore.
La grand mère a eu dans un petit plat séparé "son" fonio (céréale locale qui ressemble à la semoule, très chère car difficile à extraire). Elle ne mange pas de riz blanc "à cause de troubles de constipation". Elle semble avoir un régime particulier. Le soir, elle dine "la bouillie": maïs avec thé, sucre et aromatisé au tamarin. Elle y ajoute du lait concentré sucré et des pommes de terres frites. "c'est meilleur que le riz le soir pour ne pas trop augmenter le poids".
Fonio, sauce poisson-légumes et salade de fruits ananas-pommes (apportée par nous)
Donc une expérience riche et très différente du village Toma de la cuisinière du centre! La vie dans une famille aisée de Guinée, très chouette pour nous aussi, en tout cas un accueil et une générosité bien loin de ce que nous proposons timidement en France.