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Valeur des choses: l'eau

Je me rends compte ici après 8 mois au Libéria que j'avais perdu en France la vraie valeur des choses. Car c'était tellement une évidence!

Par exemple l'eau: en France l'eau potable coule toute seule du robinet. On l'utilise même pour nos WC ou laver la voiture. Mais ici, c'est toute une organisation.

A Foya, la quasi totalité de la population n'a pas l'eau courante et va tirer l'eau du puit: chaque quartier a sa pompe manuelle. L'eau est transportée sur la tête, dans de large bassines ou dans des seaux. A la taille de l'enfant, car ceux sont eux qui font cette corvée plusieurs fois par jour. Les bidons sont réservés pour l'huile ou le fuel. La pompe est un lieu de vie sociale, voir de tension quand la nappe s'assèche. Pour laisser le temps à l'eau de s'infiltrer dans la nappe phréatique, les pompes sont cadenassées l'après-midi. Cette eau est plus ou moins potable en fonction des pompes, en tout cas jamais vérifiée, jamais filtrée, au mieux bouillie. Pour se laver les mains, ils se versent de l'eau sur l'une puis l'autre avec un récipient qui verse bien: une théière en plastique. Rarement au savon. Je trouve difficile de bien frotter avec une seule main... Dans ces conditions, ils vont facilement faire la lessive et la toilette directement dans la rivière, tant qu'il y a de l'eau. 

La pompe de l'école, où nous prenons notre eau "propre":





les "lavabos" du centre de santé
Au centre se santé, nous avons des lavabos de fortune, qui fonctionnent très bien. Bon, j'aurais bien mis un coup d'eau de javel de temps en temps dans le bac...

Dans notre luxueuse maison, nous avons un système d'eau courante. Une pompe à l'électricité solaire tire l'eau d'une nappe phréatique. Pendant la saison des pluies, on manque parfois d'énergie solaire, on doit alors utiliser un groupe électrogène avec de l'essence. Mais en réalité, par manque de pression, on n'a qu'un filet d'eau au robinet ... pas assez pour faire fonctionner des douches. Nous nous lavons "à la cambodgienne", au baquet, en remplissant de grandes poubelles en plastique. On met un minuteur quand on ouvre le robinet pour la remplir, car c'est long avec gros risque d'oublier de le fermer! En fin de saison sèche, la nappe s'assèche, on pompe peu d'eau, très boueuse. Ca bouche les canalisations et encrasse nos grandes poubelles.

Mais cette eau "courante" n'est pas très salubre, des animaux morts y sont parfois retrouvés. On boit donc l'eau d'une autre pompe, manuelle, de l'autre coté de la cours de l'école (200m). La dame qui vient faire nos lessives remplit notre grande poubelle 3 fois/semaine, en portant des bassines sur la tête. Ensuite, cette eau "propre" est bouillie sur le feu de bois (sinon ça consomme trop de Gas, cher et acheté à la capitale seulement). Puis filtrée dans une grosse bombonne, ça dure quelques heures. Puis on stocke l'eau filtrée dans une petite bombonne, que l'on boit tout au long de la journée.

Nous avons aussi des gourdes filtrantes très pratiques (25€ l'une), il faut aspirer pour filtrer. Et plus rarement pour manger des crudités lorsque nous avons de la salade ou des tomates de Guinée, on laisse tremper 1h dans l'eau avec un comprimé de "micro pur" pour tuer les bactéries.

l'eau "propre", dans la cuisine - 
le filtre, avec la bonbonne dessous, on voit une gourde filtrante à côté
Il existe aussi à Foya de l'eau minérale mise en sachets de env 500ml, on n'en a jamais acheté

Donc le Libéria est un pays qui ne manque pas d'eau de pluie, les précipitations sont énormes: 3 fois plus qu'en France (sur 9 mois env). Mais, la pauvreté rend l'eau du quotidien et l'eau potable précieuses: fruit d'un long process et charge mentale quotidienne. Nous n'aurions même pas ici l'idée d'utiliser l'eau potable pour la vaisselle! De retour en France, nous apprécierons mieux la valeur d'avoir une eau potable au robinet, sans même s'en occuper!