Etonnements d'un médecin français qui travaille au Libéria

Cet article s'adresse un peu plus aux professionnels de la santé, désolée pour le côté technique...

Etonnement liés au contexte culturel:

EN GENERAL:

  • Le Libériens sont un peuple qui a beaucoup souffert de la longue guerre civile, puis de l'épidémie d'Ebola. Les enfants n'ont pas le droit de pleurer ni d'avoir mal, on leur apprend déjà tout petits. Je me souviens d'un enfant de 6 ans avec une main nécrosée, l'infirmière m'a rétorqué "il n'a pas l'air d'avoir mal"

  • C'est très pratique ici: les femmes allaitent toutes leur enfant; jusqu'à 2 ans en moyenne. Du coup, les soignantes viennent avec leur enfant allaité au travail! Elles les portent dans le dos, les mettent dans la salle de repos ou le confie à quelqu'un, même un patient parfois! Et elles ne travaillent pas la nuit tant qu'elles allaitent.

  • La directrice adore faire du commerce, elles fabrique des glaces avec du lait (en poudre!) et des sirops qu'elle met dans des bouteilles plastiques, recyclées. Elles les vend aux patients et à l'équipe.

  • On nous appelle par nos fonctions et non nos prénoms dès que l'on a un certain "grade". Moi c'est "doc", j'ai mis quelques jours à m'habituer.

  • Pas d'horaire pour la pause repas dans la journée, chacun va manger quand il veut/peut. Les assiettes sont souvent partagées, parfois même avec des patients.


  • Ils aiment bien "s'arranger avec la réalité", par exemple noter leur heure d'arrivée jusqu'à 1h30 avant l'heure réelle

  • j'ai été un peu désemparée au début, car ils n'hésitent pas à réprimander les parents qui consultent trop tard, ou dont l'un des enfants s'est intoxiqué avec un produit ménager. Avant même de voir le malade lui même. Du coup, les patients ont tendance aussi à "s'arranger avec la réalité", ce qui rend la fiabilité de l'histoire clinique compliquée.

  • ils ne connaissent pas leur date de naissance. On peut comprendre pour ceux nés pendant la guerre, sans état civil. Les femmes en particulier, en profitent pour se rajeunir, parfois au delà du crédible. Mais même pour les bébés de moins d'1 an, ils se trompe parfois de 3mois! je vérifie systématiquement les dates de naissance sur les carnets de vaccination quand je les ai, j'ai souvent des erreurs.

  • J'adore les tenues des étudiants et de certains personnels, très "old fashion"!



en MATERNITÉ:

  • certaines maternités ne pèsent pas les bébés ni à la naissance, ni à la sortie

  • Contrairement à ce que j'ai appris, ici on demande aux mamans de pincer le sein lors de la tétée

  • les bébés sont très enroulés dans un tissu "lappa", même sur le visage

  • les bébés ont rapidement des ficelles voir des sortes de colliers de perles autour du ventre "pour faire joli". Régulièrement ils sont coincés dans la couche, je vous laisse imaginer l'état de saleté au bout de quelques mois...

  • ils adorent aussi percer les oreilles des bébés filles dès la naissance. Elles ont aussi les cheveux méchés et tressés dès qu'elles ont quelques centimètres de cheveux


  • les bébés sont habillés et changés sur les genoux, ils n'utilisent jamais la table d'examen comme chez nous

  • une fois, j'ai vu une maman très fière d'avoir une serviette hygiénique pour servir de couche à son nouveau né

  • le bébé sort de la maternité sans prénom, c'est la papa qui le donnera quand il l'aura choisi

  • les hommes ne sont pas présents en salle de travail et de naissance, que lors de la sortie


Liés à la PAUVRETE:

  • Au début j'était étonnée que l'on n'explique pas au patient son diagnostic, ni les traitements. Et il ne le demande pas toujours, il fait confiance.

  • Le patient paie les médicaments consommés, au cp près.

  • J'ai été surprise aussi du nombres d'adultes de moins de 50kg

  • et du nombre d'enfants qui convulsent (malaria++)

  • j'ai eu du mal à travailler sans aucun marqueur de l'inflammation

  • Dans le centre de santé, 1 seul lavabo fonctionne (toilettes du personnel féminin), il n'y avait pas de lavage des mains en salle d'accouchement ni maternité. Ils utilisent des gants.

  • Quand la pompe est à sec en fin de saison sèche, ils utilisent l'eau croupie du marigot en contre bas

  • toute la lessive se fait à la main et à l'eau froide, peu d'eau de javel sur les draps et tenues professionnelles colorées

  • les boites à aiguilles coutent trop chères, alors elles sont vidées dans un seau

  • aucune imagerie en anté natal, j'ai vu des sages femmes écouter le cœur du bébé avec une "trompe" elles sont douées:

  • comme il n'y a pas d'informatique, ils tiennent tous des cahiers où sont reportés à la main toutes sortes d'information. C'est bien long à remplir, et très surveillé. Tout les mois, le gouvernement vient vérifier les chiffres, c'est écrit qu'ils n'ont pas droit à l'erreur.



étonnement sur les MEDICAMENTS:
  • Les médicaments sont tous vendus librement dans des "drugs store", ou même en vrac au marché. Le concept d'ordonnance n'existe pas. N'importe qui peut les vendre, sans aucune formation. Certains font aussi des injections intra musculaire et même intra veineuses. Pas d'ordonnance aucune traçabilité. Quasi tous les salariés du centre ont un tel magasin en plus de leur salariat, même s'ils travaillent à la sécurité...

  • au centre de santé, on n'a que 2 formes de paracétamol: 125mg et 500mg heureusement orodispersibles,

  • pas d'antalgique palier II ni III au centre

  • les injections intra musculaires sont très pratiquées: diclofenac IM chez un enfant qui convulse, vitamine K en IM dès la salle de naissance, antibiotiques en IM plusieurs jours de suite, etc

  • il existe du salbutamol pour les crises d'asthme en cp, je ne connaissait pas. L'efficacité est très mauvaise, c'est déconseillé depuis plus de 7 ans par l'OMS

  • l'insuline est admistrée en intra dermique, les diabétiques de types I sont peu nombreux et reçoivent parfois des anti diabétiques par voie orale...

  • toute perte vaginale est traitée par un anti fungique, + 2 antibiotiques + AINS

  • la Crème "triple action" est très utilisée pour toute la dermatologie: antibiotique + antifungique + corticoïde

  • tout enfant qui tousse = infection respiratoire aigue (ARI)= amoxicilline. Je n'ai pas vu de diagnostic d'asthme, ni de virose ORL, ni de bronchiolite

  • c'est assez pratique: les infirmiers prescrivent pour les entrées la nuit et les WE

  • pas de kit de réanimation dans le box des urgences, on ne réanime pas... pas d'ambulance, pas de service de réanimation pour prendre la suite.

la balance de maternité






Ecrit par Bruno: anecdotes

  Une montagne de sable L’idée me semblait plutôt intéressante. Les villages autour du centre de santé souhaite se mobiliser pour nous aide...