Nos 4 enfants sont naturellement scolarisés dans l'école et collège de la paroisse, juste en face de la maison. Cette école privée nous a été présentée comme chapotée par les prêtres de la SMA, avec une attention portée contre la violence éducative ordinaire, très présente au Libéria comme beaucoup en Afrique.
Rapidement après la rentrée scolaire, nos enfants nous rapportent quand même des sanctions physiques de la part des professeurs: tape sur les doigts avec un bâton, tire les oreilles, voire même on a demandé à Thaïs de taper sa camarade qui ne savait pas répondre à la question. On en parle alors aux responsables. Idem pour les élèves en retard, qui viennent souvent seuls, à pieds, parfois de loin et qui n'ont pas de montre!
Le mode de communication entre enfants est fait de coups et de moqueries, même en petite section de maternelle. Ils parlent de "jeux africains", mais arrêtent quand même quand un adulte arrive... Nous expliquons aux enfants qu'il s'agit d'une différence culturelle, et proposons de prendre un peu sur eux. La socialisation semble se faire peu à peu, Maxine invite même quelques amies pour fêter son anniversaire début décembre.
A Noël, beaucoup de professeurs demandent aux élèves de leur apporter de l'argent pour financer leurs propres dépenses. Certains semblent même menacer le résultat des tests scolaires. Le prof de sport (course à pied dans le quartier à 15h sous la chaleur...) demande d'apporter pour se faire payer... un œuf par élève! Il n'a pas peur des omelettes et œufs pourris au soleil!
En janvier, l'atmosphère semble changer avec les autres élèves. Nos 4 enfants racontent se faire systématiquement voler gouters, crayons, cahier et rendus de devoirs. Des "bandes" de garçons surtout viennent systématiquement les embêter dès la sortie de la classe, même lorsqu'ils essaient de se cacher.
La récréation dure 1h environ, et n'est pas considérée comme un temps scolaire, personne ne surveille. Certains élèves rentrent chez eux.
Thaïs un matin pleure pour ne plus aller à l'école, elle a trop peur d'être embêtée. Puis c'est Jules au retour à 13h, ils sont en pleurs et rassurés de ne plus être en milieu hostile. Même dans notre maison, les enfants les suivent: ils savent très bien que nous ne sommes pas présents pour les chasser. Puis Maxine nous a dit stop, elle est harcelée.
Nous sommes allés voir le Principal et le prêtre, qui ont sermonné les meneurs. Pendant 2-3 semaines, le climat s'apaise, avant de reprendre de plus belle, par vengeance. Ils prennent les garçons par les chevilles et poignets et baissent le pantalon devant tout le monde qui rigole, jettent des pierres et piquent avec des épines de palmiers. On écrit au tableau tous les matin "stupid Maxine", dans son dos à la craie et sur le bras au stylo. Nos 4 enfants se cachent et élaborent des stratégies pour se défendre et manger rapidement le gouter.
Devant ce que nos enfants rapportent, nous sommes choqués. On atteint un niveau de violence que nous ne voulons pas faire vivre à nos enfants, c'est trop. Nous prenons alors la difficile décision d'arrêter l'école, on est début mars.
Mais nous tenons à continuer la sociabilisation, d'autant qu'ils ont eu des expériences positives avec d'autres enfants libériens. Par exemple lors de la "Convention des CCO" (enfants du caté du diocèse), ils ont bien participé sans être embêtés. On cherche d'autres groupes, mais en dehors du foot, de la chorale et du caté, pas grand chose...
On doit s'organiser aussi pour faire garder les enfants du coup. Joseph, un jeune encadrant vient les garder et parler anglais avec eux. Maxine ira eut être dans une autre école du coin, protestante.
Une psychologue de la DCC nous offre un soutien aussi. Ils vont bien! Maxine relativise beaucoup, elle a eu des sessions sur le harcèlement en France. Jules décide de poursuivre l'école, il a un copain "Prince" et une copine "princesse" qui le défendent. Peut être a t il besoin de se démarquer de la fratrie?? Thaïs est ravie que l'on lui supprime la contrainte de l'école. Pour Malo, quasi 5 ans, il est plus difficile pour nous d'évaluer ce qu'il vit. Lui qui a déjà tendance a être violent et brusque, pas facile.
Deux semaines après, nous sommes en vacances de Pacques et mes parents viennent nous visiter. De quoi bien nous changer les idées!